La médiathèque participe au mois des fiertés LGBTQI+
Selon une opinion largement répandue dans les pays occidentaux, l’homosexualité serait aujourd’hui plus libre que jamais : partout présente et visible, dans la rue, dans les journaux, à la télévision, au cinéma, elle serait même tout à fait acceptée, ce dont témoignent apparemment les récentes avancées législatives sur la reconnaissance des couples de même sexe et de leur famille.
Certes, des ajustements demeurent nécessaires pour éradiquer les dernières discriminations, mais avec l’évolution des mentalités, ce ne serait en somme qu’une simple affaire de temps, un aboutissement d’un mouvement de fond lancé depuis plusieurs décennies déjà.
Le 17 mai a été choisi comme date symbolique pour la journée internationale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie pour commémorer la décision de l'OMS le 17 mai 1990 de ne plus considérer l'homosexualité comme une maladie mentale.
Cependant, ce n’est qu’en 2005 que la première journée internationale de lutte contre l'homophobie a été organisée, grâce aux efforts de Louis-Georges Tin, un professeur et activiste français.
Apparences trompeuses
Pour l’observateur-rice un peu plus attentif-ve, la situation est bien différente : et à vrai dire, le XXème siècle a sans doute été l’une des périodes les plus violemment homophobes de l’Histoire : Entre 1945 et 1982, plus de 10 000 homosexuels, en majorité des hommes, ont été condamnés à des peines de prison.
La situation perdura jusqu’à l’affaire du club Manhattan en 1977 qui a fait l’objet d’un documentaire diffusé récemment sur France 5, « Les derniers condamnés » où, après une descente de police, les deux gérants d’un club privé à Paris « le Manhattan » et leurs clients sont arrêtés et conduits au 36 Quai des Orfèvres.
Dans un registre similaire mais bien plus poussé, le Maccarthysme, expression violemment anti-communiste, s'est également illustré par son homophobie. La campagne du sénateur américain McCarthy s'est attachée à « dénoncer » des pratiques homosexuelles de certains membres des administrations publiques pour les évincer : certains fonctionnaires perdirent leur emploi, d'autres se suicidèrent. Dénoncée comme « anti-américaine » l’homosexualité est alors considérée par de nombreux américains comme une menace pour le pays.
L’apogée de l’horreur se déroulera pendant la Seconde guerre Mondiale avec la déportation des homosexuels dans les camps de concentration sous le régime nazi. En persécutant et en déportant les homosexuels dans les camps de concentration, les nazis voulaient exclure de la « communauté du peuple » les éléments jugés impurs et facteurs de dégénérescence. En France, cet épisode de la Grande Guerre reste mal renseigné et fait l’objet de débats entre les militant.es LGBTI+ et les chercheur-euses.
Evidemment, tout cela peut sembler loin. Mais bien souvent, les conditions d’existence des LGBTI+ dans le monde d’aujourd’hui restent très défavorables.
En France 1982-2022
Il y a moins d’un demi-siècle que l’homosexualité a été retirée de la liste des maladies mentales dans le pays des Droits de l’homme (1981) et que l’abolition de l’Article 331 du code pénal (instaurant une différenciation entre les hétérosexuel-les et les homosexuel-les sur l’âge de consentement) entre en vigueur en 1982 avec la loi Forni, rapportée par Gisèle Halimi et soutenue par Robert Badinter.
Bien que la France fût le premier pays au monde à retirer « le transsexualisme » et les « troubles précoces de l’identité de genre » de la liste des affections psychiatriques, l’Organisation Mondiale de la Santé ne le fera qu’en 2018 !
Les LGBTI+, l'Histoire et les arts
Les personnes LGBTI+ (lesbiennes, gays, bissexuel-les, transgenres et intersexe) ont traversé les siècles voire les millénaires, avec plus ou moins d’indifférence, de moqueries, de mépris, de caricatures malsaines et amalgames parfois et beaucoup d’hostilité, de haine et voire de violence.
Pourtant ils et elles ont survécu, dans des sociétés le plus souvent hostiles et ont conquis ces dernières années des droits fondamentaux, comme celui de se marier, fonder une famille ou très récemment d’être protégé-es contre les thérapies de conversion.
La société évolue certes et avec, la perception que nous avons des personnes LGBTI+. Néanmoins nous sommes encore loin du droit à l’indifférence. Preuve en est les débats houleux et le climat de haine parfois suscité il y a moins de dix ans par la loi dite du « mariage pour tous ».
L’homosexualité féminine comme masculine ont toujours été présentes. Les LGBTI+ ont accompagné l’Humanité dans son expansion, son développement artistique et un certain penchant pour les arts même si cela peut paraitre cliché. Trop souvent cantonnés à des images de grandes folles efféminées pour les hommes, surtout dans le cinéma, ou femmes trop viriles et infécondes pour les lesbiennes.
Et pourtant ils ont aussi fait partie des puissants de ce monde. Nous ne reviendrons pas sur le personnage d’Alexandre le Grand parti de sa Macédoine natale pour conquérir le Monde jusqu’en Indus accompagné de son amour le Général Hephaestion ou encore, plus proche de notre histoire, Monsieur, frère de Louis XIV qui vécut de longues années avec le Chevalier de Lorraine. La superbe victoire qu’il remportera à Cassel, le 11 juillet 1677, sur Guillaume d’Orange, alors que le Roi, inquiet, venait de lui conseiller de se retirer, démontre, non seulement l’éclatant courage de « Monsieur », mais encore des talents stratégiques.
Donc à l’occasion du mois des fiertés, la Médiathèque a décidé de mettre en valeur son fonds qui témoigne de la présence des artistes LGBTI+ dans la culture, à travers auteur-rices, de la Grèce antique que ce soit dans l’Illiade d’Homère ou Platon, en passant par le moyen âge musulman jusqu’à la littérature contemporaine avec des poètes comme Sénac, le cinéma (comme Le Décaméron de Pasolini), la photographie avec Pierre et Gilles.
Les femmes ne sont pas en reste. Nous ne citerons que Frida Kahlo, Nina Bouraoui, Virginia Woolf, Greta Garbo, Beth Ditto.
Mais aussi de retracer au travers d’une frise historique non exhaustive, l’évolution de l’homosexualité à travers les siècles.
Ils sont là où peut être le lecteur ne les imaginait pas. La majorité des lecteur-rices connait l’histoire d’amour tumultueuse de Verlaine et Rimbaud, nous nous sommes tous attardés au Louvre, sur la beauté du Saint-Jean Baptiste de De Vinci qui a pris les traits de son amant dans la vie, son disciple, Salaï.
Les amateur-rices de littérature du XVIIIème siècle, découvriront le personnage homosexuel de Vautrain sous la plume de Balzac. Ce qui frappe chez cet ancien forçat évadé, endurci par le bagne et la cavale, c'est son attachement sans borne pour de jeunes hommes, dont il devient le protecteur prêt à tout. Il tentera en vain de séduire Rastignac mais réussira à séduire Lucien Chardon à la fin d’Illusions perdues.
La liste serait trop longue, tant les auteur-es ou artistes à avoir de près ou de loin manifesté leur homosexualité ou disserté, chanté, écrit ou peint sur les relations entre personnes de même sexe.
Mettant leurs talents au service de la lutte pour les droits des LGBTI+ ou restant très discrets sur leur vie privé.
Sport et LGBTI+
Une discrétion parfois nécessaire, dans une société qui malgré tout juge et sanctionne la différence. Trop rares encore sont les sportifs de haut niveau qui osent « sortir du placard ». Ian Thorpe le quintuple champion olympique australien ne le fera qu’après avoir pris sa retraite en 2014.
Jake Daniels deviendra le premier joueur professionnel britannique à faire son «coming out» en mai 2022 ou la joueuse américaine Megan Rapinoe sacrée Ballon d'or, que nous avons découvert en France lors de la coupe du monde féminine de Football en 2019.
En France moins d’une dizaine de sportif-ves se sont déclarés LGBTI+ après le coming out de la joueuse de tennis Amélie Mauresmo en 1999 à l’âge de 19 ans. Suivrons, la basketteuse Céline Dumerc, le nageur Jérémy Stravius, le rugbyman Jérémy Clamy-Edroux, la judokate Amandine Buchard.
En 2021, le multi champion de patinage artistique, Guillaume Cizeron publiera un livre où il relatera la difficulté de s’accepter et d’être accepté.
Extrait :
Enfant, j’écrivais ces mots : « Je ne peux pas être gay, ce n’est pas possible que ça tombe sur moi ! Je ne veux pas ! »
Je pleurais d’impuissance, de désespoir, mais aussi de colère. J’avais envie de me frapper, de me punir. Je me détestais…
Cinéma, musique et littérature
Pour d’autres, ce ne sera que des années après leur disparition même si les rumeurs se faisaient insistantes. Sous la pression des studios de cinéma notamment à Hollywood, les exemples emblématiques étant Rock Hudson et James Dean dont l’homosexualité était le secret le mieux gardé d’Hollywood.
Aujourd’hui encore il est difficile même dans le milieu artistique dit « favorable » de parler ouvertement de son homosexualité, ce qui pousse certains militants à pratiquer l’outing, dont fut récemment victime la chanteuse Angèle, dont on a révélé la bisexualité.
Cette technique contestée et contestable consiste à révéler contre son gré l'homosexualité d'une personne donnée, au service de la lutte contre les discriminations et l'homophobie.
Aujourd’hui une nouvelle génération d’écrivain-es et d’artistes émerge et ne fait pas secret de son orientation sexuelle.
Ils et elles vont même jusqu’à en faire la matrice de leur œuvre. Nous pouvons citer Edouard Louis ou encore Abdallah Taïa.
Il est à noter également l’émergence inattendue d’une scène rap LGBTI+ que ce soit en France ou aux USA. Ce mouvement musical souvent accusé de LGBTphobie voit grandir des artistes dont certains très proches, puisque le Val-de-marnais Eddy de Pretto en fait partie.
Mais c’est outre atlantique que la scène rap fait sa mutation avec des rappeur-euses majoritairement afro-américain-es ouvertement gay,lesbiennes ou transgenres tels que Lil Nas X, Isaiah Rashad, Zebra Katz, Chika rappeuse lesbienne, Mykki Blanco, double de Michael Quattlebaum, qui surjoue tantôt un gangster, tantôt une princesse en jupette, lascive à souhait. Lalla Rami, artiste transgenre d’origine marocaine, retrace son parcours de vie dans ses morceaux et notamment la violence du regard masculin sur son identité de genre.
Le mois de juin regroupe deux temps forts : La seconde marche des banlieues du 4 juin 2022, qui a attiré plus d’un millier de participants, et la marche des fiertés qui aura lieu le 25 juin prochain.
A cette occasion, la médiathèque vous propose de découvrir et redécouvrir plus d’une centaine d’ouvrages qui seront exposés à partir du 17 juin.
BD, mangas, romans, beaux livres, films, livres jeunesse, documentaires et divers ouvrages sociologiques qui accompagnent l’évolution de la société, témoignant peut-être de l’existence d’une littérature LGBTI+, voire une culture LGBTI+. Vaste débat qui reste à trancher.
Lexique : Vous trouverez ci bas un lien donnant accès à toute une série de définitions concernant le lexique LGBTI+ (bisexuel, transgenre transidentité….)
https://www.sos-homophobie.org/informer/definitions
MOHAMED AISSANI
BONUS
Nous vous proposons une frise chronologique qui retrace l'histoire LGBTQI+ de l'Antiquité à nos jours et qui vous permettra de recontextualiser notre sélection de documents disponibles à la médiathèque :