Halloween vaut bien une petite messe gothique

« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous fait un jour noir plus triste que les nuits (…) »

Charles Baudelaire, Spleen IV, in « Les Fleurs du mal » (1857)

 

La musique gothique, comme sa devancière la musique punk, n’a jamais été revendiquée comme telle par ceux qui en ont été les initiateurs. C’est une étiquette qui a été apposée par des journalistes pour décrire un son et une scène apparus à la fin des années 70 et au début des années 80 en Europe et aux Etats-Unis.

La fête punk avait pris fin après avoir à peine commencée. Johnny Rotten jeta l’éponge du cirque Sex Pistols en janvier 1978 et Sid Vicious sombrera corps et âme durant un an avant de finir six pieds sous terre le 2 février 1979. Pour toute une partie de la jeunesse qui avait pris part à cet acte de piraterie, c’est le début des désillusions. L’anarchie n’avait pas triomphé et si The Clash continuait à chanter la révolution socialiste pendant quelques années encore, c’est bien la révolution conservatrice qui allait désormais tout emporter. Pour le dire en un mot, pour beaucoup c’est la soupe à la grimace.

La musique gothique apparaît dans les sociétés occidentales dans ce contexte de nouveau désenchantement du monde. Une fraction de cette génération désabusée s’engage dans un refus teinté de néoromantisme, d’antimatérialisme, d’hédonisme, de cynisme et de provocation toujours. Toute une flopée de jeunes groupes créés pendant ou juste après la bourrasque punk va désormais chanter la solitude, le désespoir, la folie, la magie pour transcender l’ennui du quotidien. Nouveaux dandys, nouveaux décadents, nouveaux païens. C’est à nouveau l’heure de la déraison.

 À écouter : Siouxsie And The Banshees : « Spellbound »

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  Johann Heinrich Füssli, « Le Cauchemar » (1781)
  huile sur toile, 101,6 × 127,7 cm

 

 

 

 

Il est inutile de faire ici l’histoire de cette esthétique. Les jeunes filles et garçons gothiques n’ont rien inventé mais repris de vieilles lunes qu’ils ont remises au goût du jour. Tout avait déjà été imaginé, peint, écrit et chanté par les romantiques (et d’autres encore avant eux). Les thèmes sont largement puisés dans le roman gothique du XIXe, l’esprit « fin de siècle », la science-fiction et la fantasy du XXe siècle. Dire que les gothiques sont des victimes de la mode ne seraient pas à leur avantage. Néanmoins ils cultivent un goût certain pour les styles vestimentaires recherchés, parfois assez éloignés des clichés qu’on leur prête.

Quant à la musique gothique, elle est l’héritière de son temps. Elle s’inspire des divers courants post-punk, de groupes comme Siouxsie and the Banshees, Joy Division et de prédécesseurs comme le Velvet Underground, David Bowie, Alice Cooper, le glam-rock… Elle côtoie aussi la musique industrielle et la musique électronique. Ses caractéristiques générales sont les mélodies tristes en mode mineur (maniant aussi allègrement les dissonances), la recherche d’atmosphères froides voire torturées jusqu’au malaise et imprégnées de démence. Mais souvent le rire et l’ironie se mêlent au scabreux. La tragédie se fait bouffonne et la dérision officie en maîtresse du culte. Le théâtre de la cruauté se transforme en mascarade.  Le délire, lui, gît transi au fond d’une cave.  C’est alors une grande joie pour tout le monde.

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Odilon Redon, Les Fleurs du Mal, VIII.
« Gloire et louange à toi, Satan, dans les hauteurs du ciel où tu régnas, et dans les profondeurs de l'enfer, où vaincu, tu rêves en silence! »
eau-forte, éditions Edmond Deman, Bruxelles, 1891

 

 

 

 

À écouter : Sisters of Mercy : « This Corrosion »

 

Et puisque l’époque vit décidément sous l’empire de la déraison, pourquoi ne pas s’y abandonner complètement au moins une nuit ?
C’est ce que nous vous proposons avec les deux playlists ci-dessous (YT est plein de ces délicieuses copies de VHS défraîchies : laisserait-on ce genre de plaisirs dans le boudoir ?). Elles reprennent des classiques du genre des années 80 ainsi que quelques exemples plus récents qui prouvent que cette sous-culture continue d’imprégner la culture populaire :

 

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