Le dernier des Bevilacqua

Décidément le Covid-19 est sans pitié. Après le saxophoniste Manu Dibango, le jazzman américain Ellis Marsalis voilà quelques semaines, l'écrivain chilien Luis Sepulveda et le saxophoniste américain Lee Konitz hier, c'est donc cette fois le chanteur Christophe, né Daniel Bevilacqua, qui s'est éteint cette nuit, victime de ce terrible virus.
Il est parti seul. Loin de ses proches. Loin de Paris.De son antre où il vivait tel un oiseau de nuit, profitant du silence nocturne pour écouter de la musique, composer, écrire des chansons.
Né en 1945 à Juvisy-sur-Orge, de parents italiens originaires du Frioul, le jeune Daniel découvre vite dès l'age de 8 ans Edith Piaf et Gilbert Bécaud.Puis dans la foulée le blues grâce à Robert Johnson et John Lee Hooker. Avant d'entendre les premiers musiciens rock, comme Elvis Presley, enregistrés sur le label Sun. A 15 ans, comme tous les ados de sa génération, il adore Presley et tombe en admiration devant une autre icône, du cinéma, James Dean, qui connaitra une vie et carrière trop courtes, stoppées par un fatal accident de voiture. La vitesse, les voitures américaines, le mode de vie américain, cela fait rêver le jeune Daniel.
Mais sa passion reste la musique. Après avoir appris la guitare et l'harmonica, il se lance dans la chanson en 1961. Les débuts sont difficiles. Un premier échec en 1963, avant que deux ans plus tard, en 1965, grâce à "Aline", il ne connaisse enfin le succès au niveau national et international. C'est à ce môment-là qu'il choisit de prendre Christophe comme nom d'artiste. En hommage à la médaille de Saint-Christophe offerte par sa mère.


Christophe écrit alors des chansons qui feront date dans sa discographie, comme "les marionnettes","Excusez-moi Monsieur le professeur". Quelques années plus tard, en 1971, par l'entremise de son producteur Francis Dreyfus, il fait connaissance avec un jeune auteur, un certain Jean-Michel Jarre. Le début d'une longue et fructueuse collaboration et amitié. Jarre lui écrira l'album "les paradis perdus", gros succès. Dans la foulée, en 1974, c'est l'album "les mots bleus",avec la chanson titre écrite par JMJ. Là aussi, énorme succès. La carrière est alors bien lancée.
Il va enchaîner les disques, les chansons, les collaborations. C'est ainsi qu'il travaille avec Boris Bergman et Bob Decout, respectivement sur les albums "Samouraï "(1976), "Le beau bizarre"(1978). Ce dernier, sera d'ailleurs considéré un temos comme l'un des 100 meilleurs albums de rock. En 1983, il publie "Succès fou" un énorme carton.

Christophe était également un homme de passions. Il adorait donc les voitures de courses, mais il collectionnair aussi les jukebox, et était un cinéphile averti, pointu. Les grands réalisateurs américains ou italiens n'avaient que peu de secret pour lui. C'était aussi un homme engagé sur des sujets de société.



Ces dernières années il avait publié des albums qui avaient moins bien fonctionné auprès du public. Mais ses concerts affichaient toujours complets.
Musicien discret,  vivant loin des sunlights du showbiz parisien, Christophe était une personnalité à part. Il vivait donc la nuit, était reconnu pour son immense talent et son perfectionnisme absolu, obsessionnel.Loin de n'être qu'un faiseur de tubes, c'etait un melodiste génial, une voix reconnaissable à son grain, à ses notes aiguës incroyables.
Artiste inclassable,  insaisissable,  surprenant, déroutant, Christophe était tout cela, mais une chose est sûre, son talent manquera.

Il laisse derrière lui outre les titres déjà évoqués,  des chansons comme "drôle de vie","emporte-moi", "senorita", "La dolce Vita".

 

A l'initiative d'Arte, retrouvez ce magnifique concert de Christophe à la villa Aperta de Rome en 2014.

Retrouvez également une série d'entretiens de Christophe pour l'émission  "Avoix nu" sur France culture.