Un documentaire à voir sur Eurêka

Le documentaire Riposte féministe met en lumière le mouvement des colleuses, ces groupes de femmes organisées dans plusieurs villes de France qui utilisent des mots pour dénoncer les maux dont elles sont victimes. Ces lettres inscrites sur des feuilles A4 collées sur les murs sont devenues une arme pour rendre visibles les violences sexistes, les féminicides, le harcèlement de rue ou encore les remarques machistes. Ces collages sauvages sont aussi un moyen pour les femmes d’arrêter de mettre en doute la parole des victimes qui sont souvent accusées d’être des menteuses ou responsables d’une façon ou d’une autre de la violence qu’elles ont subie. Enfin, grâce à ces collages, c’est l’occasion de continuer à libérer la parole à l’instar du mouvement #MeToo apparu en 2017. Des femmes peuvent ainsi se reconnaître dans les messages collés sur les murs et prendre conscience qu’elles ne sont pas seules.

Ce happening militant est devenu un mouvement politique autogéré qui a essaimé partout mais qui s’est aussi fracturé sur des différences profondes. En effet, les colleuses se sont au départ structurées autour de la figure de Marguerite Stern, ancienne Femen. Cependant, cette dernière a pris des positions contre les femmes trans, tout autant victimes des violences patriarcales, et considère qu’elles ne peuvent pas intégrer les combats féministes car ce ne serait pas des femmes.

« J’observe que les hommes qui veulent être des femmes se mettent soudainement à se maquiller, à porter des robes et des talons. Et je considère que c’est une insulte faite aux femmes que de considérer que ce sont les outils inventés par le patriarcat qui font de nous des femmes. Nous sommes des femmes parce que nous avons des vulves. C’est un fait biologique. »

A ce propos, nous vous recommandons également le visionnage du documentaire "Nos corps sont vos champs de bataille" qui aborde la question des femmes trans se revendiquant travesties en Argentine confrontées à la violence du patriarcat et qui luttent pour leurs droits et notamment celui d'être reconnues en tant que femmes.

 

Les femmes et l’espace urbain

Les témoignages et le documentaire révèlent une réalité subie par la moitié de la population, c’est-à-dire l’appropriation genrée de l’espace urbain. Les rues et l’espace public sont généralement conçus par et/ou pour des hommes. Ce sont eux qui occupent majoritairement la voie public qui peut-être un espace d’agression et d’oppression pour les femmes qui sont obligées d’adopter des stratégies pour survivre ou ne pas être importunées. C’est ce que révèlent des études menées par le géographe Yves Raibaud :

« Nos études de géographie ont prouvé que les femmes occupent moins de place que les hommes dans la rue. Elles se déplacent moins, ne stationnent pas, pour ne pas être prises pour des prostituées, mais restent en mouvement, ni trop vite (ce qui signifierait la peur) ni trop lentement (pour ne pas faire penser qu’elles cherchent l’aventure). »

Sans parler de potentielles agressions, l’espace urbain est souvent aménagé de façon à favoriser l’appropriation masculine de la rue à travers des infrastructures de loisirs massivement investis par les hommes : stades, skate parcs…

Le mouvement des collereuses est donc une réponse spontanée et une arme investie par les femmes pour rendre visible et dénoncer les féminicides et les violences sexistes mais aussi pour se réapproprier la rue. Elles sont en groupe et se déplacent de points de collage en point de collage pour rendre visible leur présence dans l’espace urbain. A ce titre, plusieurs collectivités ont d’ailleurs pris en compte cette problématique et tente d’apporter une réponse en élaborant des politiques publiques plus inclusives.

« A Paris, la dimension du genre a été intégrée pour la première fois dans le projet d’aménagement de sept grandes places parisiennes lancé en 2016, avec l’obligation pour les maîtres d’œuvre, inscrite dans le cahier des charges, de prendre en compte « la question de la place des femmes dans l’espace public ». « On a commencé à s’intéresser à tout cela en 2014, lorsque la problématique du harcèlement de rue a été mise en avant par les collectifs féministes », explique Hélène Bidard. En lien avec des chercheurs, un travail a été mené pour identifier les freins à la conquête de l’espace public par les femmes. Dix marches exploratoires ont par exemple eu lieu, entre 2014 et 2018, dans différents quartiers, afin d’identifier les inégalités spatiales et imaginer des moyens d’y remédier. »

La nécessaire non mixité

Enfin, Riposte féministe aborde la question des réunions en non-mixité souvent présentées dans les médias comme une démarche sectaire et discriminante. Les femmes interviewées dans le documentaire apportent un regard différent et justifient le besoin de se réunir entre femmes ou entre minorités afin de pouvoir disposer d'un espace sécurisé dans lequel la parole sera libre et ne sera pas jugée ou déniée. Dans cet article de Slate, l'historienne Mathilde Larrère explique que les réunions non-mixtes ne datent pas d'hier :

«Dès la Révolution, il y a eu des réunions de femmes non mixtes. Elles n'étaient pas appelées non mixtes, elles l'étaient de facto. Les premiers clubs de femmes sont uniquement féminins. La non-mixité dans ces groupes est fréquente. On la retrouve aussi en 1848 et en 1871 lors de la Commune."

Où voir Riposte féministe ?

Le documentaire Riposte féministe est actuellement disponible gratuitement sur Eurêka. Pour accéder à la plateforme de streaming, veuillez vous connecter à votre compte adhérent de la médiathèque.

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