Happening à la médiathèque
Résonner avec l’actualité sociale et politique du pays : tel est le ferment du happening lancé à la médiathèque entre le 24 février et le 4 mars 2023. C’est sous le prisme du slogan, énoncé manifestant, parfois drôle, ironique, iconique ou d’un degré zéro que nous avons choisi de vibrer au son de la société.
Ce happening est protéiforme : expographique avec l’affichage de slogans historiques de manif’ sur des pancartes ; audiovisuel avec la vidéo Happening slogans : des slogans aux figures de style, il n’y a qu’un pavé. Comme vous le découvrirez dans notre vidéo aussi percutante que retentissante, le slogan relève d’un art du discours.
Ce sont donc vers ses traits discursifs, linguistiques et rhétoriques, que nous allons esquisser encore un peu plus le portrait-slogan.
La portée du mot « slogan »
A l’origine, le mot « slogan » vient du gaélique et désignait le cri de guerre d’un clan, autrement dit une impulsion véhémente. Le slogan a la vocation intrinsèque de focaliser l’attention, d’être percutant, efficace et mobilisateur. Il peut, aussi, recourir à une aptitude cathartique et libératoire si l’on tient pour précepte que parler, c’est déjà agir.
Manifestation et slogan
Le slogan s’agrège à ce que Yana Grinshpun1 appelle le « discours manifestant ». Aussi, en tant que « situation de communication très particulière qu’on peut appréhender à la fois comme construction d’une communauté de conviction transitoire […] et comme espace de production et de ’’monstration’’ d’énoncés oraux et écrits2 », on associe, nécessairement et traditionnellement, manifestation et slogan.
La fabrique du slogan
L’invention du slogan se joue dans sa pratique même, inscrite dans une conjoncture historico-contextuelle mais, aussi, dans le mécanisme de sa construction. Aussi, pour bien saisir l’enjeu du slogan de manifestation, il est intéressant de le placer autant dans son contexte propre, dans sa dimension sociale, au regard des acteurs qui le portent que dans sa rhétorique. En résumé, il est à concevoir suivant son environnement, sa situation de communication et son dispositif d’énonciation.
Enonciation3. En effet, Yana Grinshpun décrit les slogans comme des « énoncés manifestants » soit « l’ensemble des énoncés verbaux scandés par les manifestants ou inscrits sur les banderoles ou les affichettes ». Ils peuvent être des formules concises avec signifié et signifiant ou des indexicaux, c’est-à-dire des termes dont la signification dépend des caractéristiques du contexte.
Slogans et déterminants - La Chronique linguiste de Laélia Veron
Atours et procédés
Pour fonctionner -être compris, être repris-, un slogan doit donc être concis. C’est une condition sine qua non. Ce format repose sur la rhétorique : il s’agit de créer un impact, il s’agit de stratégie.
Pour y parvenir, des impératifs, des outils et figures de styles. Les impératifs, ce sont le rythme et la punchline ; les outils, la rime, l’assonance, le calembour. Les figures de styles, quant à elles, appellent presque (pas à tous les coups) systématiquement à l’imagination. Il en va ainsi de la paronomase, une mise en parallèle de deux termes qui s’assemblent parce qu’ils se ressemblent, de la métaphore filée, c’est-à-dire de l’utilisation de plusieurs images qui s’insèrent dans un même univers de sens ou bien de l’hyperbole imposant un ton univoque.
Par ailleurs, la littérature spécialisée fait état de typologies de slogans, de plusieurs catégories d’énoncés manifestants. Dernièrement, le slogan a été abordé comme « participations4 », le slogan politique classé parmi les « participations militantes5 » relevant elles-mêmes de « participations de groupe »
Slogan et supports
On distingue les « énoncés manifestants » sur les banderoles collectives et ceux sur des affichettes individuelles. Le support induit une distinction communicationnelle. « Une transformation importante du médium modifie l’ensemble d’un genre de discours6 ».
En quelques mots…
Le slogan en tant que discours manifestant recouvre une prolifération d’énoncés, qu’ils soient collectifs ou individuels. Il est le lieu de productions spécifiques et de créations archétypées ou singulières.
Notes
1. Yana GRINSHPUN, linguiste, professeure de linguistique de l’énonciation et de sociolinguistique historique à l’université Sorbonne-Nouvelle.
2. Yana GRINSHPUN, « Discours manifestant et contestation universitaire (2009) », Argumentation et Analyse du Discours [En ligne], 10 / 2013. https://journals.openedition.org/aad/1476
3. Acte de production individuelle du discours dans des circonstances données
4. Dominique MAINGUENEAU, Les phrases sans texte, Paris : Armand Colin, 2012
5. Dominique MAINGUENEAU, « Hyperénonciateur et participation », in Langages 156, 111-127, 2004
6. Dominique MAINGUENEAU, Analyser les textes de communication, Paris : Dunod, 1998